Cadenas du bagne de Brest

Brest

Cadenas et clef fermant la porte du couloir des cellules des condamnés à mort du bagne de Brest,

Fer, 19e siècle

Pour prévenir toute évasion ou tout écart, le prisonnier est ferré dès son arrivée au bagne et ses fers sont accouplés à un autre bagnard. La discipline, les mesures de sécurité et les sanctions sont impitoyables. En 1764, le Comte de Roquefeuil, commandant de la marine, fait placer un canon de 24 sur le rempart pour tirer et avertir la population de l’évasion d’un bagnard. Cette alarme est l’une des hypothèses de l’origine du fameux « tonnerre de Brest ». Seuls les forçats ayant tué, frappé un agent de surveillance ou préparé un soulèvement sont exécutés. Au cours du 19 siècle, on compte une exécution par an, en moyenne.

Le bagne de Brest

Après la dissolution du corps des galères en 1748, la Marine décide d’employer les condamnés à d’autres tâches, en particulier les travaux d’aménagement des ports militaires. 

Partout en France, des bagnes sont créés là où existent des arsenaux : Toulon, Rochefort, Brest. Construit sur la rive gauche de la Penfeld par l’ingénieur Choquet de Lindu, le bagne de Brest mesure 260 mètres de long et peut loger 2 000 forçats.

Les forçats

Arrivé au bagne, le forçat est doté d’une tenue dont la couleur correspond à sa peine. Sous Louis XVI, le bonnet rouge est porté par les condamnés à perpétuité, les condamnés « à temps » - devant accomplir une durée donnée - ayant un bonnet vert. Un registre comportant le matricule et une description précise de chaque homme permet de le reconnaitre de manière très sûre. Un bagnard est en permanence accouplé à un codétenu par le moyen d’une chaine fixée à sa cheville, système qui rend les évasions difficiles et l’isolement impossible. En cas de manquement à la règle, des punitions physiques très sévères sont infligées telle la bastonnade appliquée sur les épaules au moyen d’un cordage goudronné. Les forçats assurent notamment le transport des pierres et matériaux destinés aux travaux d’aménagement du port ou le curage des bassins de radoub où sont construits et réparés les navires. Ils participent aussi à des travaux de terrassement comme ceux du Cours Dajot ou encore le creusement du canal de Nantes à Brest. Les travaux sont nommés « petite ou grande fatigue » selon leur difficulté et se déroulent de jour, au sein même de la population. Certains bagnards habiles de leurs doigts peuvent aussi se livrer à la fabrication de menus objets sculptés tels que des étuis à aiguilles ou des tabatières, un petit artisanat qui leur permet de gagner quelques subsides supplémentaires.

Evolution du bagne

Dans le courant du XIXe siècle, face au développement des colonies françaises, il est décidé de déporter les forçats dans les territoires d’outre-mer. Entre 1850 et 1858, les bagnards affectés à Brest partent pour la Guyane ou la Nouvelle-Calédonie. Le bagne est entièrement vide à la fin de l’année 1858. Le bâtiment, endommagé mais encore debout après les bombardements de 1944, sera rasé en 1948.

Plus de 50 000 bagnards ont été enfermés à Brest entre 1748 et 1858, laissant un souvenir impérissable dans la mémoire des habitants.

La journée d’un bagnard

Réveillé à cinq heures en été, à six heures en hiver, le forçat est soumis à la vérification des fers, avant de rejoindre son lieu de travail, vers sept ou huit heures où il exécute les travaux de petite ou e grande fatigue. Le retour au bagne n’a pas lieu avant 18 heures. Certains s’adonnent à leurs moments perdus à l’artisanat et vendent leurs objets faits de paille ou gravés dans des noix de coco au bazar du bagne, régulièrement visité par la population brestoise et par les voyageurs.

Le soir, chacun retrouve sa place sur le « tollard ». Ce banc reçoit 24 hommes pour la nuit et un homme dispose de 48 cm pour dormir avec sa couverture. À 20 heures, c’est le signal du silence.

 

Chronologie

• 1748 : disparition du corps des galères, qui sera dissout au sein de la Marine Royale en 1749. Décision de construire un bagne à Toulon et à Brest.

• 1749 : arrivée de Marseille des premiers forçats avant même que le bagne ne soit construit. Ils sont enfermés dans la corderie basse.

• 1750-1751 : construction du bagne de Brest, au-dessus des bâtiments des corderies, sur la rive gauche de la Penfeld, sous la direction de l’architecte Antoine Choquet de Lindu (1712-1790). L’architecture novatrice du bâtiment de 260 mètres de long est pensée de façon à répondre à des objectifs précis : hygiène, sécurité et surveillance des forçats.

• 1751 : ouverture du bagne de Brest.

• 1828 : les condamnés à de longues peines (plus de 10 ans) sont systématiquement envoyés à Brest ou Rochefort.

• 1830 : début du débat sur l’utilité sociale des bagnes en France

• 1836 : suppression du transport par la chaîne, qui menait les prisonniers au bagne par groupe d’hommes enchaînés les uns aux autres. Les bagnards sont désormais acheminés dans des fourgons cellulaires fermés.

• 1838 : à partir de cette date, les forçats sont envoyés au bagne selon le lieu de leur condamnation et non plus en fonction de la durée de leur peine.

• 1852 : l’industrialisation des arsenaux rend la présence des bagnards inutile en métropole. Le décret de la « transportation » les envoie désormais dans les colonies françaises (en particulier au bagne de Cayenne), où ils font le travail des anciens esclaves (l’esclavage ayant été aboli en 1848).

• 1858 : alors qu’il n’accueille plus qu’un millier de prisonniers, le bagne de Brest ferme ses portes. Le bâtiment sera utilisé comme un entrepôt, puis comme hôpital pendant la Première Guerre Mondiale.

Bagne de Brest

Chaîne de forçat du bagne de Brest. Chaîne composée de six maillons dont chacun présente deux gros anneaux, destiné à entraver les chevilles. Agrandir l'image : Chaîne de forçat du bagne de Brest
Chaîne de forçat du bagne de Brest
Chaîne composée de six maillons dont chacun présente deux gros anneaux, destiné à entraver les chevilles. © Musée national de la Marine/A.Fux
Noix de coco gravée Agrandir l'image : Noix de coco gravée
Noix de coco gravée
Bois de justice du bagne de Brest Agrandir l'image : Bois de justice du bagne de Brest
Bois de justice du bagne de Brest © Musée national de la Marine/A.Fux