Histoire de l'hôtel de Cheusses

L’hôtel de Cheusses est le plus ancien bâtiment civil de la ville. Il est présent à toutes les grandes étapes de Rochefort : logis seigneurial, commandement de la Marine, Commissariat de la Marine, Musée naval.

Un écrin chargé d’Histoire

Vue sur un navire Agrandir l'image : Dessin, Arsenal de Rochefort
Arsenal de Rochefort, 1690 © Musée national de la Marine/P.Dantec

Tout commence en 1594, lorsqu’Henri IV donne la terre de Rochefort à son premier valet de chambre, Adrien de Lozéré. Quelques années plus tard, le fils de ce dernier démarre la construction d’un logis seigneurial qui se compose alors d’un corps de bâtiment central et d’une aile côté Nord. Les premières pierres de l’actuel hôtel de Cheusses sont ainsi posées. Ce premier château est maintes fois transformé pour répondre aux exigences et goûts de ses propriétaires successifs. Idéalement situé entre le fleuve Charente et la ville de Rochefort, il perdure au fil des siècles et devient bientôt le théâtre de grands changements.

Au milieu du XVIIe siècle émerge la nécessité de créer un nouvel arsenal qui puisse répondre à deux principaux enjeux :

  • Permettre aux navires de la flotte royale de s’établir dans un site sécurisé adapté à l’hivernage et aux travaux de réparation navale et
  • Créer un site entièrement dédié à la construction navale, activité visant à accroitre la flotte militaire et la puissance navale du royaume de France.

Après plusieurs années de recherches et de visites des ports des côtes françaises, le site de Rochefort est retenu pour accueillir le nouvel arsenal du roi Soleil. Ainsi, le 25 mai 1666, Louis XIV reprend la terre de Rochefort. À cette époque, le seigneur local est Jacques Henry de Cheusses. Il loge au sein du château qui porte aujourd’hui son nom, avec son épouse, la petite fille d’Adrien de Lozéré. Tous deux sont par ailleurs protestants ce qui va accélérer la récupération du bien royal. Ils sont rapidement contraints d’accepter l’offre financière du roi et quittent bientôt les lieux.

L’ambition du roi est immense, les enjeux de taille et il lui faut aller vite. Colbert, son fidèle ministre, notamment chargé des affaires maritimes, établit très rapidement le siège des pouvoirs locaux, militaires et administratifs à Rochefort. Il les installe au cœur de l’arsenal et choisi l’hôtel de Cheusses comme épicentre du pouvoir royal.

Considéré comme le point de départ de l’installation de l’arsenal royal à Rochefort, ce bâtiment va également contribuer au dessin de la ville de garnison qui s’épanouit tout autour. En effet, ce sont les façades de l’hôtel de Cheusses qui serviront d’appui aux tracés des premières grandes artères de la ville.

Naissance de l’arsenal et premiers aménagements

Agrandir l'image : Plan du Château
Plan du Château, destinée pour le Commandant de la Marine, 1743 ©
Service historique de la Défense

Après quelques aménagements, les commandant de la Marine, investissent l’hôtel de Cheusses dès la fin du XVIIe siècle.

À cette date, les rives de la Charente sont en pleine ébullition. La Corderie royale, où sont fabriqués les cordages utilisés sur les navires, est déjà achevée. Les travaux de construction de la première forme de radoub, bassin où sont réparés et entretenus les navires, démarrent sous les fenêtres de l’hôtel de Cheusses.  

 

En cette fin de XVIIe siècle, l’hôtel de Cheusses ne ressemble pas encore au bâtiment actuel. L’aile la plus ancienne, dans laquelle s’installent les commandants, est située au Nord. Surmontée de deux tours aux toitures d’ardoises, elle est complétée depuis le milieu du XVIIe siècle par un corps de logis principal et une première aile basse située au Sud. L’espace restant côté Nord est aménagé en prison. Les ingénieurs du roi logent dans l’aile basse située au Sud.

Au milieu du XVIIIe siècle, démarre une seconde période de transformation du bâtiment.

L’aile centrale est particulièrement soignée, notamment sa façade située du côté de la Charente. À cette époque, les symboles de richesse et de pouvoir se concentrent en priorité à l’intérieur de l’arsenal afin qu’ils puissent être vus depuis les navires abordant les berges de la Charente. Bien qu’ouvragées, les façades donnant sur la ville ont surtout une fonction protectrice. Prolongement direct des murs d’enceinte, elles doivent préserver l’arsenal de toute intrusion, ce qui explique la présence d’imposants portails et lourdes portes d’entrée.

La reconstruction de l’aile Sud, vers 1744, marque l’aboutissement du plan en U, typique des demeures classiques de l’époque.

Au cœur de l’arsenal, l’épicentre du pouvoir royal

Parfaitement situé au cœur de l’arsenal et désormais fonctionnel, l’hôtel de Cheusses devient le siège officiel du pouvoir royal mais également un lieu de représentation et de prestige.

Les carrosses des officiers défilent dans la cour, le bureau du commandement de la Marine ne désemplit pas. Situé au rez-de-chaussée, dans la partie la plus ancienne du bâtiment, il est aujourd’hui nommé le Salon de compagnie.

Jouxtant le Salon de compagnie se trouve une antichambre, ou salle d’attente, où patientent les invités avant d’entrer dans le bureau du commandant. La chambre du commandant se situe juste au-dessus de son bureau. On remarque le même soin apporté aux décors et boiseries.

De l’autre côté de la cour, logent d’importants voisins, les ingénieurs du roi. Rattachés au Département des fortifications des places de terre et de mer, les ingénieurs affectés à Rochefort ont la mission de rendre l’arsenal le plus efficient et imprenable possible. Versés dans l’art de la fortification, ils dessinent, planifient, cartographient les espaces en y intégrant les bâtiments nécessaires à son bon fonctionnement.

Tout semble donc être organisé pour que l’hôtel de Cheusses abritent les principales fonctions exécutives de l’arsenal. Mais derrière cette apparente harmonie, se dessinent d’importantes querelles de voisinage qui auront bientôt un impact non négligeable sur l’architecture des bâtiments.

Querelles de voisinage

Photo de l'entrée et de la cour vue de haut Agrandir l'image : L’hôtel Amblimont
l’hôtel Amblimont © Musée national de la Marine

Dans la première moitié du XVIIIe siècle, émerge l’idée de construire un logement totalement dédié aux ingénieurs. Sans doute à l’étroit dans l’aile Sud de l’hôtel de Cheusses, on peut supposer que cette décision répond à un besoin d’espace et qu’elle illustre également l’importance de cette fonction à qui l’on souhaite dédier un logement spécifique attenant à celui du commandant.

Le premier projet prévoit donc la création d’un nouvel hôtel particulier, mitoyen de l’hôtel de Cheusses et absorbant totalement son aile Sud. Découvrant les plans à son retour de mer, le commandant mettra tout en œuvre pour freiner cette annexion. Il finira par obtenir gain de cause, ce qui aura pour conséquence d’acter la création d’un second hôtel totalement hermétique au premier, bien que totalement imbriqué. Respectant les codes et le goût de l’époque, ce deuxième bâtiment se compose d’un corps de logis principal encadré par deux ailes en retour, formant également un plan en U qui ouvre sur l’espace d’une cour intérieure côté ville et d’un jardin donnant sur l’arsenal.

La maison des ingénieurs est née, elle portera plus tard le nom d’hôtel Amblimont.

De la maison de ingénieurs à l’hôtel Amblimont

Agrandir l'image : Comtesse_d_Amblimont.jpg
Portrait de Marie-Anne de Chaumont-Quitry, comtesse d’Amblimont

Après quelques années au service des ingénieurs, l’histoire de cette maison bascule. Au milieu du XVIIIe siècle, le roi Louis XV offre cet hôtel particulier à l’une de ses favorite, Marie-Anne de Chaumont-Quitry, comtesse d’Amblimont qui donnera son nom usuel au bâtiment. Dame de compagnie de la marquise de Pompadour, la comtesse d’Amblimont attire le regard et suscite l’intérêt du roi qui cherche bientôt à la séduire. Mais fidèle en amitié, elle refuse les avances du monarque qui continue pourtant à la couvrir de cadeaux. Après les bijoux, le grand appartement parisien, la pension royale, elle reçoit, en 1762, la maison des ingénieurs de Rochefort qui sera entièrement meublée sur le mobilier royal.

L’arrivée des Intendants

Désormais bien installés au sein de l’hôtel de Cheusses et entourés d’hommes aux compétences multiples, les commandants décident pourtant de quitter les lieux. À la toute fin du XVIIIe siècle, ils déménagent dans un hôtel particulier plus moderne, fraichement construit et aménagé plus luxueusement. Mais la position stratégique de l’hôtel de Cheusses, entre la ville et l’arsenal, lui assure un bel avenir. Il est décidé que les intendants succèderont aux commandants. Ces hauts fonctionnaires prennent ainsi possession des lieux à partir de 1781.

Aux côtés du chef militaire qu’est le commandant, les intendants sont les véritables régisseurs de l’arsenal. Ils sont notamment chargés de la gestion des finances, de l’approvisionnement, du programme des travaux et enfin du personnel.

Le pouvoir est donc partagé entre ces deux hauts fonctionnaires qui marquent les lieux de leur présence. À la veille de la Révolution française, le pouvoir militaire règne depuis ces bâtiments luxueux qui abritent les principales fonctions de commandement de l’arsenal.

L’arsenal et ses transformations au XIXe siècle

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Vue du port de Rochefort, prise dans l'éloignement © Musée national de la Marine/P.Dantec

Pendant les premières années de la période révolutionnaire, Rochefort est relativement épargnée. La Marine poursuit son œuvre, avec notamment d’importants aménagements urbains. On retiendra par exemple, les travaux pilotés par l’ingénieur en chef des bâtiments civils du port, Pierre Toufaire à qui l’on doit notamment le nouvel hôpital militaire inauguré en 1788. L’arsenal subit néanmoins un ralentissement de son activité à la toute fin du XVIIIe siècle, ce qui ne l’empêche pas de devenir préfecture maritime en 1800. À cette même époque, l’intendant, qui exerce toujours depuis l’hôtel de Cheusses, prend le nom de commissaire général, dénomination encore usitée de nos jours. À ses côtés s’installe bientôt, dans l’hôtel Amblimont, la Majorité Générale, service d’administration et de comptabilité de l’arsenal.

Le remplacement de la marine à voile par la vapeur va naturellement impacter l’ensemble des infrastructures du site et voir émerger de nouveaux besoins. On notera par exemple la construction, entre 1853 et 1861, d’une nouvelle forme de radoub, directement placée sous les fenêtres de la chambre du commissaire général. Sa capacité supérieure permet d’envisager la construction d’unités de tailles plus importantes et de répondre ainsi aux nouvelles orientations de la Marine. Mais cette évolution du tonnage et des dimensions des bâtiments se confrontent à la réalité du site : la Charente n’est pas assez profonde pour accueillir cette nouvelle génération de navires et les rumeurs de fermeture du site s’intensifient.

La résurgence du patrimoine

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Vue de l'intérieur du musée en 1937 © musée national de la Marine

Peu à peu l’arsenal se spécialise dans les petites unités (sous-marins, torpilleurs, contre-torpilleurs, aviso). Le premier conflit mondial lui permettra de conserver une certaine activité, mais les contraintes inhérentes au site n’arrivent plus à gommer son inefficacité. Le 10 septembre 1926, le président Doumergue supprime, par décret, la préfecture maritime et ferme l’arsenal.

Le commissariat de la Marine est naturellement supprimé et le bâtiment qui l’abrite retrouve son nom d’origine, l’hôtel de Cheusses. Pendant l’entre-deux guerres, en 1932, il est classé monument historique. C’est le premier bâtiment de Rochefort à recevoir cette distinction, évènement qui marque peut-être un intérêt naissant pour le patrimoine de la ville. Après une campagne d’importants travaux, il accueille, en 1936, la collection du musée des petits Modèles de l’arsenal, autrefois conservée dans la corderie royale. Il devient alors le musée naval.

La seconde guerre mondiale impacte fortement ce jeune établissement muséal. Réquisitionné puis occupé par les Allemands en 1940, il subit de graves dommages qui conduisent à d’importants travaux de réhabilitation et aboutissent, en 1973, à sa réouverture aux publics. Cette même année, la maison de Pierre Loti devient un musée et trois ans plus tard, des travaux commencent autour de la Corderie Royale. Ainsi, Rochefort entre dans une nouvelle ère et concentre toute son énergie sur son patrimoine.

En 1978, l’hôtel de Cheusses devient propriété de l’Etablissement public du musée national de la Marine. Positionné à l’entrée de l’arsenal, il accueille alors les amateurs, curieux ou passionnés par l’histoire maritime de la France.

En 1985, né le Centre international de la Mer, implanté dans l’aile Sud de la Corderie Royale. Marquée par cette nouvelle dynamique et par ce regain d’intérêt pour les traces illustres de son passé, la ville de Rochefort signe, en 1987, une convention « Ville d’art et d’Histoire » qui constitue un temps fort de la politique de réhabilitation du patrimoine engagée depuis les années 1970.

En 1992, l’hôtel Amblimont est rattaché au musée national de la Marine. Il forme, avec l’hôtel de Cheusses un ensemble architectural qui traverse le temps et témoigne des multiples vies de Rochefort, de la naissance de son arsenal industriel à son actuel site patrimonial d’exception.

Cadre de vie et de prestige, poste de commandement ayant abrité d’illustres fonctionnaires représentant du pouvoir royal, ils forment aujourd’hui l’écrin des collections du musée national de la Marine et manifestent du rôle central de Rochefort pour l’histoire maritime nationale.

Histoire de l'Ancienne école de médecine navale

Fondée en 1722 c'est la première école de chirurgie navale au monde. L’école de Rochefort invente une pédagogie originale et pragmatique pour former les chirurgiens embarqués à bord des navires de guerre.

Lieu et parcours

Installé dans l’hôtel particulier des commandants de la Marine, le musée – Arsenal de Rochefort évoque l’incroyable aventure de ce site exceptionnel, nommé le « Versailles de la Mer » par Louis XIV.