La patience est une vertu qui se révèle essentielle pour vivre nos quotidiens confinés. Quoi de mieux que la pratique de la pêche pour nous aider à la développer ? Il peut sembler y avoir une contradiction entre cette activité du calme immobile et le cinéma, art du mouvement. Pourtant, leur association fait bon ménage et certains genres s’en sont même fait une spécialité. Voici nos conseils de films à voir dans chacun d’eux.

Documenter la pêche

Le genre du documentaire est sans doute celui qui met le mieux à l’honneur les hommes vivant de la pêche. C’est en les filmant que les documentaristes ont été les plus inventifs. Les précurseurs en la matière sont Robert Grierson en 1929 avec Drifters et Robert Flaherty dans l’Homme d’Aran sorti en 1934. Le premier, monte ses images rapportées d’une pêche au hareng en Mer du Nord d’une manière très expérimentale, influencée par l’école Russe. Il réalise ainsi une ode humaniste à la force de travail des pêcheurs et à leurs outils.

 

Quant à Robert Flaherty, il se définit comme un naturaliste. Paradoxalement, il est aussi le premier documentariste à scénariser la réalité en la dramatisant. Dans l’Homme d’Aran, il enregistre la vie d’une famille de pêcheurs sur une île au large de l’Irlande, montre leur combat contre un environnement hostile et, leur demande parfois de reconstituer certains événements pour la caméra dont une sortie en mer en pleine tempête. Il dira d’ailleurs quelques années plus tard : “J’aurais dû être fusillé pour ce que j’ai demandé à ces gens si fiers de faire pour le film, pour les risques énormes auxquels je les ai exposés”.

 

Dans la lignée de ces chef-d’œuvres, Véréna Paravel et Lucien Castaing-Taylor, tentent, eux, de restituer en 2012 dans Leviathan non pas le quotidien, mais l’expérience sensorielle et quasi métaphysique que peuvent vivre les pêcheurs d’un chalutier d’aujourd’hui. Attention images à couper le souffle.

Pêche et réalité

Ce goût pour montrer les gestes des travailleurs de la mer se retrouve également dans les films de ceux qui ont fait leur credo de raconter le monde dans toutes ses composantes sociales et politiques. Après-guerre, le courant dit du NéoRéalisme italien en produit les plus bouleversants exemples. Luchino Visconti, dépeint dans La terre tremble en 1948, le quotidien difficile d’une famille sicilienne pauvre, exploitée par des grossistes, où les autochtones jouent leur propre rôle.

Deux ans après lui, Roberto Rossellini pose également sa caméra en Sicile pour Stromboli. Ingrid Bergman y est confrontée à l’âpreté du caractère et des conditions d’existence des habitants d’une petite île volcanique.

La France n’est pas en reste car avec La pointe courte, nom d’un quartier populaire de Sète, Agnès Varda propose aux spectateurs de 1955 de suivre parallèlement l’histoire de la réconciliation d’un couple et les mésaventures d’une famille de locaux, saisis dans une veine quasi documentaire.

Si les pêcheurs d’aujourd’hui ne sont pas les mêmes qu’hier, ils inspirent toujours les héritiers du réalisme social, que ce soit, là encore, en Italie, où l’on vous conseille Terraferma d’Emanuele Crialese (2012), évocation du bouleversement des valeurs vécu par une communauté de pêcheurs siciliens précaires confrontés aux migrations d’encore plus pauvres qu’eux, ou chez nous, où l’on peut citer les émouvant Angèle et Tony d’Alix Delaporte (2010), histoire d’amour sur fond de problèmes économiques et Tempête, de Samuel Collardey (2015), récit de de la dure conjugaison du travail et de la vie de famille d’un père célibataire.

Pêche et littérature

Outre-Atlantique, chez nos voisins américains, on rencontre plutôt les pêcheurs dans les adaptations de classiques de la littérature que dans les usines. Et instinctivement, lorsque l’on pense aux gros poissons chassés par l’homme, en matière de roman c’est Moby Dick qui s’impose. Ainsi, pas moins de neuf adaptations du livre de Melville ont été portées sur les écrans depuis les années 20. Citons parmi elles, la réalisation en 1956 de John Huston, la plus connue de toutes et la plus fidèle, avec en vedette Grégory Peck et Orson Welles himself (et pour laquelle la Cinémathèque conserve une superbe maquette de costume).

Mais il y a également dans le lot deux transpositions contemporaines dans des sous-marins (Aux postes de combat, James B. Harris, 1965 et 2010: Moby Dick, Trey Strokes), une réécriture version Heroic Fantasy (Age of the dragons, Ryan Little, 2011), sans parler du dernier opus en date qui narre le naufrage du baleinier ayant inspiré Melville pour son histoire (Au coeur de l’océan, Ron Howard, 2015).

Ernest Hemingway avec son Le Vieil Homme et la Mer a lui aussi eu droit aux honneurs de la bobine. On compte trois adaptations dont nous vous recommandons le petit bijou éponyme oscarisé en 1999 du russe Alexandre Petrov, court-métrage d’animation utilisant la technique de la peinture à l’huile animée.

On pourrait en citer encore beaucoup d’autres, tel Capitaines courageux de Victor Fleming qui adapte Rudyard Kipling en 1937 mais la seule évocation du nombre permet de constater que le cinéma américain a fait de la figure du pêcheur un véritable héros des mers.

Pêche et sentiments

Si le cinéma regorge de pêcheurs, qu’ils soient travailleurs ou aventuriers, ce n’est pourtant pas la seule manière de montrer la pêche. Sa pratique en tant que loisir est aussi un motif scénaristique récurrent. Ce sont alors des moments de calme et d’apaisement, propices aux personnages pour entamer un retour sur eux-même. Lorsqu’elle est partagée, cette activité est même souvent, dans le cinéma hollywoodien, une métaphore de relations qui se tissent entre les êtres. Elle est un passage obligé pour illustrer le sujet des liens intergénérationnels. Dans Et au milieu coule une rivière de Robert Redford (1992), les séquences de pêches à la mouche scandent la narration, et sont l’occasion pour un père et ses fils de partager des souvenirs fondateurs pour le reste de leur vie d’homme.

C’est encore autour de la pêche que les tensions familiales vont s’apaiser entre un homme, sa fille et son petit-fils, dans le très touchant La maison du lac de Mark Rydell, sorti en 1981, où Henry et Jane Fonda vivront la même réconciliation sur le tournage et à l’écran.

Lasse Hallström va plus loin en 2011 avec le très optimiste Des saumons dans le désert, en offrant à ses héros une seconde chance dans leur vie de s’épanouir et s’aimer grâce à un fabuleux projet de pêche à la mouche au Yémen.

Preuve que le cinéma, a su montrer la passion qui peut entourer cette activité, bien loin des clichés.

La pêche ennuyeuse ? Jamais.

 

 

 

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